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Chronique d’une pollution annoncée

Juillet 1989, le premier Festival des Eurockéennes est organisé à Sermamagny (90), sur « le site du Malsaucy », presqu’île située entre deux étangs : le Malsaucy (étang de loisirs nautiques et de pisciculture de 60 hectares) et la Véronne (étang de pêche de 42 hectares).

Ce site protégé fait partie du périmètre immédiat de protection des puits Monceau alimentant en eau la ville de Belfort et une partie de son agglomération (ref : documents du POS de l’époque).

En 2003, à force de pollution à répétition chaque saison depuis 15 ans, et bien que vidangé à chaque automne, le Malsaucy est bien malade et a développé en nombre important l’algue bleue (cyanobactéries) dont certaines ne sont même pas répertoriées dans la nomenclature connue. Les baigneurs se plaignent alors de rougeurs sur le corps et d’irritations des yeux, de maux de têtes et de vomissements. Pour les autorités, tout ceci n’a rien à voir avec une quelconque pollution, mais provoqué par des puces de canards. Hé oui, vous avez bien lu !

En 2009, dans la nuit du 3 au 4 juillet, la première nuit du festival, une coupure d’électricité met en panne la pompe de refoulement des eaux usées du festival, ce qui entraîna la rupture d’une canalisation. C’est une catastrophe ! Des centaines de m3 de produits polluants provenant pour la plupart des toilettes chimiques se sont déversés dans le Malsaucy. Le lendemain, une épaisse mousse (30 à 50 cm.) a recouvert la baignade sur 20 mètres de large et 150 mètres de long, puis s’est dissoute dans la masse en 5 ou 6 jours.

Le 13 juillet, la baignage réouvrait au public comme si de rien ne s’était passé.

Le 17 août, le taux hallucinant de 1 469 200 c/ml est atteint. Plutôt que d’interdire la baignade, les autorités sanitaire déclenchent le niveau 1 d’alerte : deux ridicules panneaux A3 posés au ras de l’eau recommande de limiter le bain pour cause de cyanobactéries. La Presse locale, comme d’habitude reste muette, elle est partenaire des Eurockéennes.

Pourtant, le pire est à venir, car début septembre, alors que la baignade est toujours ouverte au public jusqu’au 13 inclus et que les loisirs nautiques pour les enfants (stage de voile de l’école de Valdoie) se terminent le 18, la DDASS laisse tout ce petit monde patauger dans une eau aux limites de l’asphyxie, à tel point qu’elle se refuse de communiquer les résultats d’analyse des 8 et 15 septembre pour éviter tout scandale. La coloration prise par l’eau de l’étang laisse à penser que le taux de cyanobactéries vacillait entre 2 500 000 et 3 500 000 c/ml.

Le 21 septembre, l’étang du Malsaucy est bleu turquoise sur ses 60 hectares, du jamais vu en France, le taux de cyanobactéries est de 4 600 000 c/ml, 46 fois au dessus de la norme maximale recommandée par l’OMS, qui est de 100 000 c/ml.

Le 22 septembre seulement, le Conseil Général fait installer un peu partout des panneaux avec mention « baignade et contact avec l’eau interdits, l’eau du Malsaucy présente actuellement un développement important d’algues bleues (coloration turquoise de la surface de l’étang). Ne pas faire boire les animaux et ne pas rentrer en contact avec l’eau, des analyses sont en cours ».

Le risque de scandale est tellement important que jamais un résultat d’analyse sera publié.

Du 21 septembre au 10 octobre, le Malsaucy développera deux bloums algals de même importance.

Un arrêté préfectoral dû à la sécheresse du moment interdit de vidanger tous les étangs du Département depuis début septembre jusqu’à mi-novembre. Hors, afin de se débarrasser au plus vite de ce poison, le Conseil Général décide quand même de vidanger le Malsaucy. Il mandate comme de coutume la Fédération Départementale de Pêche pour réaliser ce travail. Le 12 octobre il ouvre la vanne en grand et la referme 11 jours plus tard à notre demande, l’étang ayant perdu 80%  de ses eaux.

Le 22 novembre, l’étang sera finalement vidangé complètement et pêché, et le poisson contaminé distribué aux associations locales de pêche

Ce site vous révèle l’évolution de cette pollution sans précédent en France dans un étang de loisirs nautiques et de pisciculture de septembre 2009 à décembre 2011.

Remarque : Depuis 2009, la Loue et le Doubs franco-suisse, rivières de Franche- Comté touchées elles aussi par la peste bleue (cyanobactéries) connaissent un autre développement, une autre forme d’évolution qui affecte l’eau mais surtout les poissons infectés par des champignons (mycoses, parasites) qui les dévorent vivants. Cliquez ici pour voir la vidéo.

Ces rivières mondialement connues sont devenues des laboratoires d’étude de cette pollution.

Pour notre part, le Malsaucy est devenu depuis 2003 notre laboratoire de prédilection, afin de  suivre l’évolution en eau close de cette peste bleue qui envahit nos plans d’eau de Franche-Comté.